Tribune : La croissance externe est un excellent levier de performance pour tout type d’entreprise. Elle gagne à être connue des PME. Mais elle comporte plusieurs défis financiers, techniques et humains et doit donc être abordée avec expertise, explique Laurent Mezrahi, de Odyssey Messaging.
Le dirigeant doit à la fois se montrer visionnaire et pragmatique, un équilibre parfois difficile à trouver. Or, bien maitrisée, la croissance externe constitue, pour les entreprises, un outil efficace d’accélération de leur stratégie de développement.
Comme on le sait, toute entreprise dispose de deux leviers de croissance pour se développer, la croissance organique ou interne et la croissance externe.
La croissance externe recouvre toutes les opérations pouvant mener au rapprochement de sociétés : acquisition, prise de participation, fusion…
À l’heure où le libéralisme économique produit les conditions d’une concurrence féroce, les opérations de fusions montrent comment la croissance externe permet de mutualiser les compétences au service de l’efficacité. Ceci, d’autant plus dans le cas de TPE où développer un nouveau projet représente un investissement colossal à petite échelle.
À court terme, la croissance externe permet d’aborder les concurrents d’une façon nouvelle : non plus comme des adversaires mais comme une source d’inspiration. À long terme, elle permet d’en faire de véritables partenaires de développement. Néanmoins, le succès des fusions est conditionné par le respect de plusieurs moments clés.
Les objectifs stratégiques
L’objectif le plus fréquemment évoqué est celui des gains de productivité. Mais dans la pratique, les façons d’y parvenir sont multiples et nécessitent de définir un objectif stratégique en amont plus précis. On parle alors :
-De mutualiser des coûts (production, logistique, immobiliers, humains, etc.) pour renforcer sa compétitivité
-De renforcer le contrôle de sa chaine d’approvisionnement afin d’engendrer des économies d’échelle à travers l’acquisition d’un fournisseur
-De diversifier son activité en échangeant des savoir- faire
-Ou encore de s’approprier et intégrer une innovation
Il s’agit donc dans tous les cas de rechercher un complément stratégique, qui sera créateur de valeur et de synergies.
Les étapes d’une opération de croissance externe :
Une fois la stratégie globale et les objectifs définis clairement par la direction de l’entreprise, il faut sélectionner un profil de cible et mettre en place les processus de réalisation de l’acquisition.
L’identification d’une cible et la naissance d’une opportunité peuvent avoir été générées par un cabinet spécialisé en fusion & acquisition (consultant M&A, banque d’affaires, …), ou par le réseau du chef d’entreprise (client, partenaire, concurrent, fournisseur, …).
Le facteur humain étant souvent essentiel, le process commence ensuite par la signature d’un accord de confidentialité suivi des premières rencontres avec les cédants potentiels.
Ces rencontres permettent d’affiner la connaissance de la cible (technique, humaine, organisationnelle, juridique, financière…) afin de confirmer les complémentarités et les synergies envisagées.
Elles permettent ensuite d’aborder le sujet de l’évaluation financière de la cible (le prix) ainsi que des modalités de paiement (immédiates, différées, earn out, actions, …).
Dans le cas d’un pré-accord relatif à ces échanges, une lettre d’intention (LOI) est rédigée par l’acquéreur. Après acceptation de la LOI par la cible, l’acquéreur doit réaliser avec ses conseils (expert-comptable, avocat, consultant, …) les audits et dues diligences financières, fiscales, juridiques et sociales.
Il s’agit pour l’acquéreur de vérifier toutes les informations présentées et avancées par le cédant. Le processus se terminera par la rédaction et la signature du protocole de vente final et des garanties.
Les risques et les points d’attentions :
Si la croissance externe est un outil indéniable au service du développement des entreprises, il faut garder à l’esprit que rien ne garantit la réussite d’une opération.
Elle doit rester bien réfléchie et correctement encadrée et accompagnée, afin de limiter les éventuelles difficultés futures.
Anticiper : Initier une acquisition prend du temps. Il faut identifier des cibles, étudier les dossiers, rencontrer les cédants, rechercher des financements … cela se compte en mois et monopolise le dirigeant qui sera moins disponible au quotidien pendant toute la durée de l’opération.
Construire un business plan : Document indispensable qui permettra de valider le réalisme et la viabilité financière de l’opération. Il oblige à poser ses objectifs et à simuler les synergies. Pour ce point, il est important de faire appel à des professionnels : comptables, consultants…
Définir un prix juste : La valeur d’acquisition ne devra pas être surévaluée, notamment au regard d’un endettement potentiel, ou d’économies d’échelle qui pourraient se révéler inférieures à celles prévues.
Financer : Il va s’effectuer sur les fonds propres disponibles (trésorerie, apport personnel, …), ou en ayant recours à des solutions de financement externes (prêt bancaire, BPI, levée de fond, ouverture du capital, emprunt obligataire, crowfunding, …).
Dans le cas d’un recours à un endettement, ou à une ouverture du capital, il s’agira d’un investissement et d’un engagement sur du long terme dont le niveau devra avoir été bien évalué.
Communiquer & Rassurer : Le facteur humain occupe donc une place importante dans une opération de fusion. Mal gérer, il peut faire échouer la fusion du fait de la résistance des salariés. En effet, l’incertitude des équipes quant au maintien de leurs postes par exemple ou un doute sur la mise en place d’une nouvelle hiérarchie, provoquent souvent du stress et de l’anxiété chez les salariés, génératrice de conflits.
Il est donc important non seulement de communiquer avec les salariés mais aussi de vérifier la compatibilité des cultures d’entreprises. Ainsi, une analyse doit être effectuée avec des personnes de confiance du côté de l’entreprise en phase d’être rachetée, afin d’instaurer une relation transparente entre les acteurs. Cet entretien entre dans la phase d « évaluation de pré acquisition » qui permet d’évaluer la viabilité des relations entre les entreprises.
Les entreprises choisissant ce mode de croissance doivent avoir conscience que le chemin est long et compte de nombreux points de vigilance à ne pas négliger. Cependant, une fois le projet réalisé, les bénéfices, nombreux et valorisants pour le dirigeant et ses équipes, seront un gage supplémentaire rassurant quant à sa pérennité. À un moment où être proactif et savoir anticiper le marché pour se développer devient vital, la question d’une croissance externe revêt une nouvelle dimension.